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Histoire mondiale de Paris : les imaginaires
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L'École du Louvre et le musée Carnavalet présentent un cycle de cours exceptionnel : "Histoire mondiale de Paris : Les imaginaires de Paris".
Ce cycle propose une relecture de l'histoire parisienne dans une perspective mondiale, explorant les représentations et perceptions de la ville à travers le monde. Les riches collections du musée Carnavalet offrent un point de départ idéal pour cette exploration, invitant à multiplier les regards sur Paris, au-delà des récits historiques habituels.
Rendez-vous tous les mercredis du 5 mars au 11 avril 2025 pour une découverte inédite de la capitale de France.
© Spectacle forain dans un carrefour imaginaire de Paris - Demachy, Pierre-Antoine, Peintre, Vers 1770-2e moitié du 18e siècle. Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Détail des cours
MERCREDI 5 MARS 2025, DE 19H00 À 20H30 (ou en replay du 4 avril au 4 mai)
Des quatre coins du monde, mais lesquels ? Paris dans les flux de personnes.
Pierre-Yves Saunier, chargé de recherche, CNRS-École normale supérieure de Lyon, professeur associé, Université Laval, Québec.
Flux étudiants, flux migratoires, flux touristiques : cette conférence propose d'aborder la place de Paris dans ces circulations humaines, du 18e siècle à (presque) aujourd'hui. Il n'est pas aisé de distinguer et de mesurer ces flux et cette place. Chiffres noirs, chiffres gris, chiffres qui font voir rouge, le dénombrement est un défi qui tourne fréquemment à l'impasse. Mais une fois établies les limites en ces matières on peut essayer de situer ces flux et cette place dans le temps, dans l'espace et dans la comparaison avec d'autres villes. Dès lors, essayer de mettre en monde Paris amène à revenir sur son rôle dans les circuits de l'exil, son usage dans les trajectoires individuelle et collective des migrants, sa fréquentation par les populations estudiantines, sa situation dans les préférences touristiques.
Pierre-Yves Saunier est historien. Il s'est intéressé principalement à l'histoire des villes et à celles des grandes fondations états-uniennes aux 19e et 20e siècles.
MERCREDI 12 MARS 2025, DE 19H00 À 20H30 (ou en replay du 4 avril au 4 mai)
Les origines gauloises de Paris : regards étrangers sur une success story.
Carole Quatrelivre, docteure en archéologie, École normale supérieure, postdoctorante, université de Kiel.
Les populations gauloises ont ceci de particulier que la survie de leur histoire et de leurs noms repose sur des récits qui leur sont étrangers ou bien largement postérieurs. Les Gaulois qui ont habité Paris et ses environs, nommés Parisii par César en 53 av. notre ère, ne font pas exception. Lorsque les histoires de la capitale florissent à la Renaissance, soit 1500 ans après la conquête romaine, les Parisii font inévitablement l’objet de représentations, fondées sur des sources multiples, lacunaires et ouvertes à l’interprétation. Elles n’en constituent pas moins une tradition littéraire pérenne, qui intègre progressivement les vestiges archéologiques et dont on retrouve la trace jusqu’au 21e siècle. Démêler l’écheveau de ces conceptions, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, constitue donc un préalable indispensable à la réinterprétation de la documentation archéologique, en faveur d’une histoire européenne des Parisii.
Carole Quatrelivre est archéologue protohistorienne, lauréate du 5e Prix européen d'archéologie Joseph Déchelette pour sa recherche doctorale sur les Gaulois de la région parisienne. Elle est actuellement en post-doctorat à l'Université Christian Albrecht de Kiel (Allemagne), où elle travaille sur les processus de construction des territoires de l'âge du Fer, dans leurs dimensions sociale et économique.
MERCREDI 19 MARS 2025, DE 19H00 À 20H30 (ou en replay du 4 avril au 4 mai)
Paris capitale du 18e siècle ? Le cas des spectacles.
Rahul Markovits, maître de conférences (HDR) en histoire moderne, École normale supérieure, Paris.
Paris, le modèle des nations étrangères, ou l’Europe française : le titre de l’opuscule signé Louis-Antoine de Caraccioli en 1777 montre que le mythe du rayonnement européen voire mondial de Paris prend ses racines au 18e siècle lorsque les élites européennes étaient largement francophones. Parmi les instruments de ce rayonnement, le théâtre, qui semble incarner à lui seul le French way of life, figure en bonne place. Tandis que des troupes de comédiens francophones jouent le répertoire français dans la plupart des cours européennes, les visiteurs étrangers de passage dans la capitale se pressent aux nombreux spectacles de Paris, de la Comédie-française aux théâtres de boulevard. Loin d’aller de soi cependant, ce rayonnement est une construction, un élément du soft power français qui se met en place, non sans heurts et sans contestations, à cette époque.
Rahul Markovits est maître de conférences à l’École normale supérieure. Il est spécialiste de l’histoire des mobilités au 18e siècle. Il a publié Civiliser l’Europe. Politiques du théâtre français au 18e siècle (Fayard, 2014) et, avec Pauline Lemaigre-Gaffier et Simon Spruyt, Les Années Lumières. De la Régence aux États généraux (La Découverte / La Revue dessinée, 2023).
MERCREDI 26 MARS 2025, DE 19H00 À 20H30 (ou en replay du 4 avril au 4 mai)
Paris, capitale de l'Amérique « latine » ?
Clément Thibaud, directeur d’études, CNRS-EHESS-Paris 1 Panthéon-Sorbonne-Paris Nanterre.
Paris représente un lieu fondamental de l’imaginaire latino-américain depuis les indépendances. Incarnation des révolutions et de la civilisation européenne, la cité incarne au 19e siècle une « seconde patrie », un motif d’identification invoqué dans la construction des identités nationales comme contrepoint à la figure de l’Espagne. Ville des révolutions, elle figure aussi une modernité politique que louent les libéraux et que vilipendent les conservateurs. Elle est aussi le lieu admiré d’une vie intellectuelle et artistique que suivent avec intérêt les élites l’Amérique hispanique et du Brésil. De nombreux hommes politiques terminent leur vie en exil dans la capitale française. Ce lien imaginaire est revivifié lors des deux conflits mondiaux et la libération de Paris en 1944 est célébrée dans l’ensemble du sous-continent, de l’Argentine au Mexique. Dans l’après-guerre, de nombreux auteurs du boom littéraire latino-américain s’installent à Paris et contribuent à transformer l’imaginaire de la ville (Julio Cortázar, Alfredo Bryce-Echenique, Carlos Fuentes, ou Mario Vargas Llosa). La conférence abordera l’évolution de ces différentes configurations de l’imaginaire de Paris en Amérique latine, en la reliant aux différentes contextes politiques et sociaux du sous-continent.
Historien, Clément Thibaud est professeur à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Ses recherches portent sur l’histoire politique de l’Amérique latine au XIXe siècle, en particulier dans le monde andin. Il a publié plusieurs ouvrages sur ces sujets en français et en espagnol : Républiques en armes (PUR, 2006) ; Las Revoluciones en el Mundo Atlántico (Taurus, 2006) et La Majestad de los Pueblos (Taurus, 2010) avec María Teresa Calderón ; Libérer le Nouveau Monde (Perséides, 2017) et avec Eugénia Palieraki, L’Amérique latine embrasée (Armand Colin, 2023).
MERCREDI 9 AVRIL 2025, DE 19H00 À 20H30 (ou en replay du 4 avril au 4 mai)
L'art de la décolonisation à Paris.
Maureen Murphy, professeure d’histoire de l’art contemporain, Université Paris 10.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la capitale de l’Empire colonial français fut également le lieu à partir duquel se dévidèrent les fils de la décolonisation. Les intellectuels, hommes politiques et artistes qui allaient jouer un rôle central dans l’avènement des indépendances, passèrent souvent par Paris. Cette intervention se concentrera sur la présence parisienne des artistes originaires d'Afrique dans les années 1950, ainsi que sur les modalités de leur création et de leur participation aux débats artistiques et politiques qui agitèrent la scène parisienne.
Maureen Murphy est historienne de l'art, professeure en histoire de l'art contemporain à l'Université Paris 10, membre honoraire de l'Institut Universitaire de France. Ses recherches portent sur la mondialisation de la scène artistique envisagée sous l'angle des rapports entre l'Afrique et l'Europe, l'histoire coloniale et post-coloniale, ainsi que sur les patrimoines contestés. Elle a notamment publié L'art de la décolonisation. Paris-Dakar (1950-1970). Dijon, Les Presses du réel, 2023 ; Voir autrement, Paris, Itinéraires coll., La Sorbonne, 2022 ; De l'imaginaire au musée. Les arts d'Afrique à Paris et à New York (1931-2006), Dijon, Les Presses du réel, (2009), 2020.