Lauréates 2024-2025 des bourses Simone et Cino del Duca

Rencontre avec les lauréates 2024-2025 des bourses Simone et Cino Del Duca

Interview
La Fondation Simone et Cino Del Duca et l’École du Louvre ont créé ensemble les bourses Simone et Cino Del Duca. Elles sont attribuées chaque année à 3 étudiants de l’École du Louvre travaillant sur le cinéma. Les lauréates 2024-2025, Selma, Marion et Rachel, nous présentent leur parcours et leur travail.
Lauréates 2024-2025 des bourses Simone et Cino del Duca

La Fondation Simone et Cino Del Duca et l’École du Louvre ont créé ensemble les bourses Simone et Cino Del Duca. Elles sont attribuées chaque année à trois étudiants et étudiantes de l’École du Louvre inscrits en 1er ou en 2e  cycles, travaillant sur le cinéma et sélectionnés selon des critères sociaux et académiques. Les lauréates 2024-2025, Selma, Marion et Rachel, nous présentent leur parcours et leur travail.

Quel est votre parcours ? Pourquoi avez-vous choisi d’étudier à l’École du Louvre ?

Rachel : « Après avoir obtenu un bac général filière européenne anglais avec mention très bien, spécialisé en histoire des arts, j’ai intégré l’École du Louvre. Passionnée par les arts et la culture, il s’agissait pour moi d’une chance d’étudier au sein d’un des plus grands musées du monde. Sensible au contexte philosophique, politique et artistique de l’époque contemporaine, j’ai décidé de suivre la spécialité arts du XXe siècle à l’École du Louvre. Au cours de mes trois premières années, j’ai réalisé de nombreux travaux de recherche sur des sujets variés, tels que « Henri Matisse et le Maroc », « Kandinsky et la synesthésie », ou encore « folie et sexualité » interrogeant des notions multiples comme le nihilisme, l’hystérie, la psychanalyse ou les genres. Le Master de l’École du Louvre m’a paru être une option intéressante afin de compléter mes connaissances de premier cycle. Je suis également cette année un échange avec l’ESSEC pour me former au management. »


Marion : « Au lycée, j’ai choisi de suivre la spécialité Histoire des arts. C’est durant ces années que j’ai compris que je voulais poursuivre dans le monde de la culture. En terminale, j’ai eu l’opportunité d’étudier des thématiques variées, comme les années 50, la nuance entre sacré et religieux dans les arts, ou encore le travail de la photographe Tina Modotti. Cet intérêt pour l’histoire des arts m’a donné envie de passer le concours pour intégrer l’École du Louvre en premier cycle, où j’ai suivi la spécialité Histoire du Cinéma qui m’a permis d’acquérir des connaissances plus précises dans ce domaine, de la naissance du cinéma à la fin du XXe siècle. J’ai particulièrement apprécié étudier le cinéma expérimental qui, mis au regard des cours de troisième année portant sur l’histoire des arts du XXe siècle, m’a permis de comprendre les liens profonds qui existent entre le cinéma expérimental et des mouvements artistiques tels que le dada ou le surréalisme. Aujourd’hui, en Master 1, je consacre mon mémoire au domaine du Cinéma qui me passionne toujours autant. Depuis deux ans, grâce à des stages effectués dans plusieurs domaines (médiation culturelle pour la foire d’art contemporain Art Basel, montage d’exposition pour le festival d’art contemporain Campagne Première, ou gestion des œuvres et accueil du public dans la Galerie Yvan Royer), j’ai compris que je voulais poursuivre dans la voie de la conception d’expositions, ou plus généralement dans le montage de projets culturels, et ce, éventuellement dans le domaine du patrimoine cinématographique. » 


Selma : « J’ai grandi dans une famille de musiciens professionnels et j’ai donc très rapidement eu un contact avec les arts, d’abord par ma pratique personnelle du luth. J’ai continué ma pratique des arts vivants (musique, danse, théâtre…) jusqu’à mes études supérieures ; c’est grâce à cela que j’ai pu assister et participer à des processus créatifs qui m’ont fascinée. Cette proximité avec les arts a motivé mon inscription en premier cycle à l’École du Louvre. Ma première année a été assez compliquée pour diverses raisons personnelles mais mes bons résultats en Histoire du Cinéma (spécialité que j’ai choisie) m’ont poussée à garder ma motivation et à m’accrocher pour terminer mon cursus. Mon objectif est de poursuivre mes études le plus sereinement possible jusqu’au Master et de, plus tard dans ma carrière, éventuellement passer le concours de conservateur. »
 

Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur le cinéma ?

Selma : « Mes premiers contacts avec le cinéma se sont faits par le biais de la figuration et de l’observation. Lorsque j’étais au lycée, des amis se sont engagés dans la réalisation de courts-métrages et je les ai très régulièrement assistés. C’est à ce moment-là que l’idée de faire des études en conservation du patrimoine s’est présentée à moi. Ce que je recherche avec mes études en histoire du cinéma, c’est la possibilité de connaître, protéger et mettre en lumière des œuvres auxquelles des artistes ont dédié une partie de leur vie. D’autant plus que le cinéma est à mon sens une forme d’art total et constamment en évolution. »


Marion : « Le cinéma a toujours occupé une place importante dans mon parcours et mes intérêts personnels. Au collège, j’ai rejoint le club cinéma, où j’ai appris les bases de l’analyse filmique, mais surtout où j’ai pu écrire, réaliser et monter trois courts-métrages avec les autres élèves du groupe. Au lycée, j’ai choisi d’étudier une œuvre cinématographique : le film Wadjda, de Haifaa al-Mansour. J’ai toujours aimé comprendre comment un plan est tourné, pourquoi un certain cadrage est choisi ou comment le montage influe sur le récit. Cette curiosité m’a poussé à approfondir mes connaissances. J’ai donc choisi de suivre la spécialité Histoire du Cinéma à l’École du Louvre. Cet enseignement m’a vraiment passionnée et m’a donné envie d’aller encore plus loin en consacrant mon mémoire de master à une femme cinéaste, Denise Tual, afin d’explorer son travail et sa place dans l’histoire du cinéma. »


Rachel : « Le cinéma a toujours été inclus dans mes activités puisqu’il constitue un véritable témoignage, clef de lecture, de notre société moderne. J’ai d’ailleurs travaillé dès le lycée sur des thématiques cinématographiques comme « Jacques Demy et l’onirisme ». Je n’ai pas choisi d’étudier cette spécialité au cours de mon cursus à l’École du Louvre car j’ai souhaité approfondir d’autres domaines d’étude mais je suis heureuse d’avoir orienté mon mémoire de recherche dans le thème du cinéma. »
 

Sur quel sujet porte votre recherche ?

Marion : « Cette année, j’ai souhaité m’intéresser à travers mon mémoire, à une figure féminine du cinéma des années 30-50 : Denise Tual. Lorsque mes directeurs de mémoire m’ont proposé de m’intéresser à cette cinéaste, et que je me suis renseignée sur sa vie, j’ai compris à quel point c’était une femme intégrée au monde théâtral, pictural et littéraire de son époque, pourtant peu connue du grand public. Mon mémoire, je l’espère, mettra en lumière sa vie et son travail. Pour cela, je m’intéresse plus particulièrement à son long métrage documentaire Ce siècle a 50 ans, dans lequel elle retrace, à l’aide d’archives, les grands évènements de la première moitié du XXe siècle. Cela me conduit à m’intéresser au domaine du cinéma documentaire, aux films de montage, et bien sûr à la place des femmes dans l’industrie cinématographique (Denise Tual ayant elle-même été monteuse, productrice, et réalisatrice). »

Rachel : « Durant cette première année de master, je réalise un mémoire au sein du groupe de recherche « Histoire et patrimoine du cinéma ». Cinéphile, j’avais à cœur d’explorer plus précisément le 7e art. Cette année, je me concentre particulièrement sur une période qui me captive, celle des années 50/60. Mon sujet est « la diffusion, promotion et réception du duo Jerry Lewis et Dean Martin en France ». Il aborde alors des questions autour de ce duo et de ses films. Véritables produits du cinéma américain, les deux acteurs comme leurs long-métrages, promeuvent certaines valeurs des États-Unis comme celles de l’american dream et de la virilité, se confrontant aux pensées françaises de l’époque, plutôt complexes vis-à-vis de la puissance mondiale. Mon sujet de mémoire de recherche traite donc des thématiques d’histoire du cinéma et de l’art, mais également des enjeux politiques et sociologiques. »
 

Selma est étudiante en premier cycle et n'a donc pas encore de sujet de recherche.

Selon vous, que représente Cino Del Duca dans le monde du cinéma ? Quel héritage le couple a-t-il laissé dans le monde du cinéma aujourd'hui ?

Selma : « Cino Del Duca était un patron de presse et un éditeur qui a rencontré un grand succès dans sa carrière. Il est également connu pour être un grand mécène de la culture dès les années 1950, à l’origine de plusieurs prix et distinctions. En parallèle de ses activités éditoriales, il devient également producteur de films en fondant la filiale Del Duca Film dont l’activité devient très vite prolifique en France et en Italie. 

A la mort de Cino Del Duca, sa femme Simone poursuit l’activité philanthropique de son mari et crée en 1975 la fondation Simone et Cino Del Duca. Bien que celle-ci ne se concentre pas spécifiquement sur le cinéma, elle facilite des travaux intellectuels qui nourrissent des discussions sur la société et la culture, créant un cadre propice pour les artistes y compris dans le cinéma. Aujourd’hui encore, l’héritage et les apports de Cino Del Duca restent immenses dans le monde du cinéma. Il laisse derrière lui des œuvres désormais cultes comme Touchez pas au grisbi ou L’Avventura. Enfin, les « bourses Simone et Cino Del Duca » témoignent de l'héritage du couple Del Duca dans le monde du cinéma à travers le prisme de l’histoire de l’art. Je suis très reconnaissante de pouvoir bénéficier de cette bourse, qui est une grande source de motivation dans la poursuite de mes études. »


Marion : « À mes yeux, Cino Del Duca a joué un rôle important dans le cinéma en produisant plusieurs films de cinéastes majeurs tels que Marcel Carné ou Michelangelo Antonioni dans les années 1950 et 1960 avec sa société Del Luca. Ce qui me marque, c’est qu’il ne venait pas du monde du cinéma à l’origine, mais de l’édition, et qu’il a tout de même réussi à y laisser son empreinte. Avec sa femme Simone, ils se sont fortement investis dans ce milieu : leur fondation continue de soutenir la culture, la recherche et les arts. Selon moi, leur héritage est toujours bien présent, autant dans le cinéma que dans d’autres domaines. »

 

 

 

Photo : Selma, Rachel et Marion devant l'École du Louvre
Crédit © Stéphane Richard / École du Louvre